Gros plan sur l'IDD en vigueur depuis le 1er oct 2018.

Gilles Sainte-Catherine, responsable IDD aux affaires institutionnelles et Caroline Jovet, juriste et spécialiste de la question chez BNP Paribas Cardif nous détaillent le dispositif IDD encadrant les pratiques de distribution des produits d'assurance.

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La nouvelle directive de l'IDD (Insurance Distribution Directive) ou DDA (Directive sur la Distribution d'Assurance), englobe 2 nouveaux textes européens, visant à renforcer la protection des consommateurs, quel que soit le canal de distribution. Ce dispositif entré en application le 1er octobre 2018 établit des règles d'accès et d'exercice de l'activité de distribution d'assurance, mieux harmonisées entre les Etats européens.

Cette directive constitue une étape supplémentaire pour mieux matérialiser et encadrer certaines pratiques déjà existantes. Ces 2 textes européens s'appliquent directement en France en plus du Code des Assurances. L'un traite de la gouvernance des produits, le fameux POG (Product Oversight Governance) et l'autre des règles spécifiques prévues sur les produits dits «PRIP ».

Zoom sur toutes ces nouvelles obligations qui incombent non seulement aux assureurs mais se déclinent également chez les distributeurs.

L'intégralité du podcast de Caroline Jovet et Gilles Sainte-Catherine est retranscrit ci-dessous:

[00:00:02] Présentateur: Bienvenue sur l'info en +, le podcast destiné aux conseillers en gestion de patrimoine et courtiers, partenaire de Cardif. Sur un marché porteur et fortement concurrentiel, être une référence en la matière et viser la place de leader implique à la fois de s'appuyer sur une solide expérience, d'être attentif aux évolutions, et surtout ne pas hésiter à se transformer pour mieux faire face à de nouveaux enjeux.

RGDP et PRIPS, IDD ou DDA. Derrière ces acronymes qui envahissent le marché depuis quelque temps, se cache tout un florilège de réglementations diverses et variées, mais qui dans le fond, ont un objectif commun : mettre le client au cœur de ces contraintes réglementaires, lui donner un maximum d'informations d'éléments pour faire ses choix dans les meilleures conditions possibles ; une manière de mieux le protéger en quelque sorte.

Entré en vigueur le 1er octobre 2018, IDD vise clairement la protection du consommateur. Pour en parler aujourd'hui, nous recevons Caroline Jovet, elle est juriste, spécialiste dans la réglementation IDD chez BNP Paribas Cardif et Gilles Sainte-Catherine qui est le responsable IDD aux affaires institutionnelles de BNP Paribas Cardif, et qui est en charge de la mise en place du programme. Donc Caroline et Gilles, bienvenus. Bonjour.

[00:01:09] Caroline: Bonjour.

[00:01:09] Gilles: Bonjour.

[00:01:10] Présentateur: Alors je vous pose la question à tous les deux, et vous répondrez tous les deux d'ailleurs aux questions que je vais vous poser. Que signifie l'acronyme IDD ou DDA, suivant le cas ?

[00:01:20] Caroline: IDD, DDA, deux acronymes, l'un anglais, l'autre français. IDD : Insurance Distribution Directive, c'est-à-dire la Directive sur la Distribution d'Assurance, c'est donc un texte européen qui a été adopté le 20 janvier 2016. Mais IDD, c'est finalement plus qu'une simple directive, puisque c'est un ensemble de textes européens et français, ce qui rend les choses parfois un peu complexes pour entrer dans la matière. IDD c'est donc une directive qui comme toutes les directives a été transposée en France par une ordonnance en mai 2018, complétée d'un décret en juin, et d'arrêtés qui continuent à être publiés, tout ça composant le nouveau Code des Assurances Français.

À cet ensemble de textes français traduisant la directive en France s'ajoutent deux textes européens qu'on appelle des règlements délégués qui datent du 20 décembre 2017, et qui eux s'appliquent directement en France en plus du Code des Assurances ; l'un sur la gouvernance des produits, le fameux POG dont on reparlera sans doute tout à l'heure, et un autre sur les règles spécifiques prévues sur les produits dits PRIP, c'est-à-dire, pour faire simple, l'assurance vie. Tout ce dispositif est entré en application au 1er octobre 2018. Voilà, donc un ensemble de textes assez étoffé [rire].

[00:02:42] Présentateur: Alors justement Gilles Sainte-Catherine, quand on entend Caroline Jovet nous exposer toutes ces directives [rire], on se dit c'est quand même quelque chose de très compliqué, non ?

[00:02:49] Gilles: La finalité de la directive s'inscrit dans la continuité des travaux des législateurs et régulateurs français, on ne part pas d'une page blanche en France. On y reviendra, mais il y a déjà un dispositif étoffé qui encadre les pratiques de conception et distribution d'assurance. C'est une étape supplémentaire pour mieux matérialiser et mieux encadrer certaines pratiques qui existent déjà, qui méritaient d'être mieux formalisées.

[00:03:14] Présentateur: D'accord. Alors je le disais dans l'introduction, IDD a pour fonction essentielle de renforcer la protection des consommateurs, et c'est ce que vous évoquiez à l'instant également Gilles Sainte-Catherine. Mais alors du coup, quels sont les grands principes Caroline Jovet ? Et surtout quels sont les principaux objectifs en matière de protection et de renforcement de la protection des consommateurs ?

[00:03:33] Caroline: Alors le premier principe je dirais c'est que IDD concerne tous les distributeurs. Alors c'est quelque chose qui n'est pas nouveau en France, mais qui est par contre l'est dans d'autres pays européens. C'est-à-dire que tous les intermédiaires, mais également les assureurs, lorsqu'ils font de la vente directe, de la vente en B2C, sont concernés par cette réglementation de la distribution d'assurance. Si on veut résumer IDD en quelques grands principes, je dirais que IDD établit des règles concernant la gouvernance et la surveillance des produits, on en parlera. Les conditions d'exercice de cette activité de distribution d'assurance, des choses qu'on connaît bien en France, honorabilité, compétences professionnelles, les questions de l'assurance de responsabilité civile, de garantie financière. Évidemment, IDD encadre les obligations d'information et de conseil dus aux clients, et comporte également un volet, ce qui était plus novateur sur les rémunérations, les fameux inducements, et la gestion des conflits d'intérêts.

Cette directive, comme le disait Gilles n'est pas la première pierre du cadre juridique de la distribution d'assurance. IDD est venue remplacer une directive européenne précédente sur l'intermédiation d'assurance, et donc comme cette précédente directive. Elle vise aussi bien sûr à établir des règles d'accès et d'exercice de l'activité qui soient mieux harmonisées entre les États européens. Et puis son deuxième objectif, comme la précédente directive, c'est de renforcer la protection du consommateur, quel que soit le canal de distribution. C'est pour ça également qu'elle concerne tous les produits d'assurance : les produits d'assurance non vie, les produits d'assurance vie, même si comme je le disais tout à l'heure, il y a des règles spécifiques pour les produits d'assurance vie.

Donc au final, c'est ce que soulignait Gilles, cette réforme des règles de la distribution en France n'est pas, je le crois, un Big Bang. On avait déjà une solide réglementation préexistante. Les assureurs étaient déjà concernés, donc au final, pas de grande révolution, même s'il y a des nouveautés qu'il ne faut pas sous-estimer, dont notamment la gouvernance produit, le fameux POG.

[00:05:35] Présentateur: Voilà Gilles Sainte-Catherine, votre point de vue justement sur ce renforcement de la protection, en tout cas, on a l'air de comprendre que c'est une harmonisation, et pas de nouvelles règles vraiment qui se mettent en place.

[00:05:47] Gilles: La démarche imposée par la directive prédispose de partir du client et de ses besoins. Bien sûr, ça tombe sous le sens, le fait de le dire et de l'inscrire dans différents articles de la directive permet de sanctuariser le fait qu'on va organiser la conception de la distribution autour de l'intérêt et des besoins du client. Et c'est quelque chose d'assez novateur, en tout cas d'un point de vue inscription dans les textes réglementaires.

[00:06:09] Présentateur: Alors vous avez parlé de ce qu'on appelle l'évolution de la gouvernance produit qui s'appelle un nouvel acronyme, GSP ou POG. Justement, vous en parliez tout à l'heure Caroline, et cette gouvernance produit, ça concerne particulièrement le concepteur de produit, donc en l'occurrence plutôt l'assureur.

[00:06:25] Caroline: Alors oui, POG. POG pour Product Oversight Governance, si on veut dérouler l'acronyme, et GSP pour sa traduction française Gouvernance et Surveillance des Produits : la gouvernance produits donc. Elle concerne tous les produits d'assurance, donc vie et non vie, mais je crois que c'est important de le préciser, elle ne concerne, cette nouvelle réglementation, que les nouveaux produits, c'est-à-dire les produits nouvellement commercialisés, ou alors des produits qui feront l'objet d'une modification significative. Autrement dit, pas les nouvelles souscriptions de produits déjà commercialisées aujourd'hui. Ce qui dans les faits réduit quand même, dans un premier temps le périmètre concerné.

Alors POG, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est que ce nouveau dispositif ? Ce sont d'abord et avant tout et effectivement de nouvelles obligations pour les concepteurs de produits d'assurance, c'est-à-dire en règle générale, les assureurs. On verra qu'en miroir, évidemment se décline de nouvelles obligations aussi chez les distributeurs, mais donc avant toutes choses, des obligations pour le concepteur.

Première obligation donc des assureurs avec cette nouvelle réglementation, l'obligation de concevoir des produits adaptés à un marché cible qu'il faut donc définir, seconde obligation, en regard de ce marché cible : définir une stratégie de distribution qui soit adaptée à ce marché cible. Voilà donc en ce qui concerne le choix des modes de vente que des distributeurs. On peut par exemple imaginer qu'on considère que certains produits ne sont pas adaptés pour être vendus par téléphone.

Troisième volet : l'obligation pour le concepteur de suivre et de réexaminer régulièrement les produits, selon une périodicité qu'il déterminera lui-même, le cas échéant, de faire évoluer le marché cible à la stratégie de distribution, donc cette idée de suivi dans le temps de la vie du produit.

Quatrième volet, et là on rentre dans les relations avec nos partenaires : l'obligation d'informer les distributeurs. C'est essentiellement le règlement délégué dont je parlais tout à l'heure qui fixe le contenu des obligations, pour 95 % de ce qu'il faut savoir sur le POG est dans ce règlement délégué. Donc on ne peut plus se contenter de regarder le Code de l'Assurance Français pour savoir quelles sont les règles, il faut aller lire ce règlement. Et il ressort de ce règlement en matière d'informations dues aux distributeurs que les concepteurs doivent donc les tenir informés des principales caractéristiques du produit, des risques et des coûts du produit, du marché cible défini bien entendu, de la stratégie de distribution que le concepteur suggère, et rajouter le texte de toutes les situations susceptibles d'entraîner un conflit d'intérêt portant préjudice au client.

Cinquième volet, parce que ce n'est pas fini: il faut que le concepteur suive les ventes, c'est-à-dire, concrètement, vérifie périodiquement si les produits sont vendus au marché cible. Donc là, je vais m'arrêter deux secondes pour expliciter ce point parce qu'il est important dans les relations avec les distributeurs. Effectivement, en pratique, ça va conduire à organiser une remontée d'informations des partenaires vers l'assureur qui en a besoin, pour suivre ces ventes, de pouvoir périodiquement faire le point sur le fait de savoir si les produits sont vendus au marché cible ou ponctuellement hors de la cible. Évidemment, il ne s'agit absolument pas à travers cet exercice de contrôler l'activité du distributeur, et bien entendu pas de contrôler le conseil qu'il donne à ses clients, ce sont vraiment deux choses différentes, mais l'assureur a besoin d'avoir une vue un peu globale des ventes réalisées sur son produit pour pouvoir effectuer le suivi qu'il doit faire.

[00:10:09] Présentateur: Il a besoin ou il a le devoir?

[00:10:12] Caroline: Il a le devoir, d'où cette remontée d'informations à organiser. Voilà, ce sont les obligations du concepteur. Puis, bien entendu en miroir, on va retrouver les obligations vues par le texte à la charge du distributeur, qui doit en principe ne commercialiser le produit qu'auprès du marché cible qui aura été défini par le concepteur. Je dis en principe parce que la vente hors-cible n'est quand même pas interdite. C'est-à-dire, qu'au cas particulier, si le produit que le concepteur a imaginé pour telle cible se trouve adapté à un client qui n'est pas dans la cible, le partenaire a tout à fait le droit de le lui faire souscrire et il sera de sa responsabilité, en cas de contrôle de pouvoir justifier, et là c'est le devoir de conseil qui entre en ligne de compte, pour justifier pourquoi pour ce client en particulier le produit était tout à fait adapté, même si le client n'était a priori pas dans la cible. Ça c'est le premier point.

Donc le distributeur doit en principe vendre auprès du marché cible. Le distributeur évidemment a d'autres obligations s'il souhaite élaborer sa propre stratégie de distribution évidemment elle devra être compatible avec celle qui a été établie par le concepteur. Et puis toujours dans cette idée d'échange entre concepteur et distributeur, le partenaire devra informer, voire alerter l'assureur, donc là on est sur l'information remontante, alors soit à la demande du concepteur qui peut lui demander toute information dont il aurait besoin sur les ventes, mais légalement ça peut aller jusqu'à un devoir d'alerte à la charge du partenaire, si dans les faits il relève que ponctuellement le produit, ou n'est pas adapté au marché cible, ou qu'il constate des circonstances qui seraient susceptibles d'avoir des répercussions défavorables pour le client. Tout ça, à ce stade est encore assez théorique, on verra dans les mois et les années qui viennent comment les choses se traduisent en pratique, mais enfin voilà pour les obligations vis-à-vis du concepteur. Et un dernier point, je pense qui est important pour les partenaires, évidemment, tout ceci doit être formalisé. Donc il y a un aspect dispositif à écrire, à tracer et il est expressément prévu par les textes qu'il doit y avoir au sein de chaque intermédiaire un dispositif formalisé et révisé régulièrement pour couvrir le suivi et cetera des produits. Et évidemment, toute action entreprise que ce soit dans les échanges d'informations avec l'assureur ou des mesures correctrices qui seraient prises doivent être tracées et susceptibles, parce que in fine, c'est bien de ça dont on parle, d'être produit à la CPR en cas de contrôle.

[00:13:00] Présentateur: On va parler du marché cible, Gilles Sainte-Catherine, ce marché cible en fait comment on le définit, qui le définit, pourquoi et qu'est-ce qu'on y met exactement ?

[00:13:07] Gilles: Une fois que le marché cible est défini, le concepteur a le devoir de communiquer ce marché cible aux distributeurs et de s'assurer à travers le reporting que le marché cible sera bien suivi au moment de la commercialisation des produits. Voilà, donc c'est un cycle qui a été organisé, qui est normé, qu'il faut déployer, assez administratif. Il va obliger à davantage de précision et de partage de responsabilité entre les concepteurs et les distributeurs, surtout dans des pratiques des grands assureurs de la place et ce sont des process qui existent.

[00:13:36] Présentateur: Donc le marché cible il est déterminé que ce soit pour le concepteur produits ou pour le distributeur par ses propres éléments, par exemple BNP Paribas cardif, va choisir de définir les règles de son marché cible. C'est ça ?

[00:13:48] Gilles: Exactement, on a fait le choix chez BNP Paribas Cardif, d'aller vers un niveau de granularités très large en termes de définition de marché cible pour les produits d'assurance vie, les produits d'épargne et qui répondent à des objectifs assez macro comme de constituer un capital en vue de financer un projet, de constituer une épargne de précaution, de préparer sa retraite, de transmettre un capital ou de diversifier ses placements, donc ce sont les grandes orientations qui vont permettre de définir la granularité du marché cible, on souhaite que ce marché cible soit aligné également avec le quid contrat dans la réglementation PRIPS, et qui est en place depuis le 1er janvier 2018.

[musique]

[00:14:25] Présentateur: Très bien, c'est très clair sur cette définition du marché cible. Nous arrivons au terme de ce premier entretien, puisque le sujet est vaste, complexe et dense aussi, il y a beaucoup de choses à dire, donc merci à vous Caroline Jovet, merci à vous Gilles Sainte-Catherine. Merci à vous deux.

[00:14:51] Caroline: Merci, à bientôt.

[00:14:52] Gilles: Merci, à bientôt.

[musique]

[00:14:55] Présentateur: Les analyses et informations contenues dans ce podcast sont destinées exclusivement aux courtiers et conseillers en gestion de patrimoines, partenaire de Cardif.

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